Quelques mots parsemés sur un papier qui caresse l'esprit et qui sonne juste

CHRONIQUES

  • JAZZ-RHONE-ALPES - 7/07/2021 – Akpé Motion & Alain Brunet

    Chronique de Jean François Viaud

    C’est sur une attaque jazz-rock très franche, que le groupe Akpé Motion et Alain Brunet commencent ce concert en hommage à Serge Gainsbourg. Alain Brunet à la trompette et Jean Gros à la guitare donne le ton rock tandis que Mike Armoogum à la basse et Pascal Bouterin à la batterie les suivent sur un rythme rapide. On ne reconnait pas tout de suite le titre Sea, sex and sun mais parfois la mélodie ou le refrain que l’un des musiciens reprend. Le trompettiste nous indique que le répertoire est composé des titres de Serge Gainsbourg des années 1980 et ce concert est joué pour la première fois ce soir. Et l’on devinera certains morceaux et pour d’autres on se dira oui c’était bien celui-là lorsque le leader nous le précisera. Alain Brunet joue de la trompette, du bugle et fredonnera certaines phrases de refrain pour souligner les chansons de Gainsbourg. Il est particulièrement agréable d’entendre ces quatre musiciens de haut niveau technique communiquer de manière très fluide. Les mélodies, refrains et rythmes passent de l’un à l’autre avec facilité. La trompette communique souvent avec la guitare. Lorsque le trompettiste prend le solo, le guitariste accompagne avec des effets et des volutes électriques qui donnent un effet planant. Il propose également un solo jazz sur des accompagnements rock. Tous les deux utilisent des effets, des échos et des réverbérations à l’aide de pédales. Alain Brunet joue aussi avec une sourdine. Plusieurs fois le bassiste introduit la mélodie d’un morceau et montre beaucoup de musicalité avec son instrument rythmique. Dans ces moment-là, de nouveau le guitariste accompagne son collègue avec des effets planants. Très concentré et précis sur ses différentes, tonalités le batteur et fondateur du groupe soutient ses partenaires. Il propose un rythme très riche en utilisant souvent ses cymbales et en produisant de nombreux effets sur sa caisse claire. Il fait un solo très délicat sur cette dernière et ses fûts. Le trompettiste sait aussi s’effacer pour laisser ses partenaires s’exprimer en trio. Nous avons l’occasion d’écouter Je t’aime, ... moi non plus... et Dieu fumeur de havanes parmi les titres les plus anciens du chanteur français. Le quartet passe ensuite aux chansons des derniers albums avec Aux enfants de la chance; Love on the Beat et Sorry Angel. Pour terminer ce set, Alain Brunet convoque le grand Serge. Nous entendons la reprise de Mon légionnaire par « l’homme à la tête de choux » que nous passe la sono. L’effet est garanti c’est émouvant d’entendre la voix de « l’étonnant Serge Gainsbourg ». Akpé Motion reprend la chanson d’Edith Piaf sur une alternance et un mélange de riffs funk et rock. A la première écoute de ce quartet on a l’impression de retrouver les sonorités d’un autre musicien des années du siècle dernier. Miles Davis qui avait fait son retour en 1981 et qui a comme point commun avec Serge Gainsbourg de s’éteindre en 1991. Sa sonorité de trompette est proche de celle du Prince des ténèbres. Philipe Carles l’a écrit au sujet d’Alain Brunet avant que cela nous saute aux oreilles en concert. C’est associé au style de jeu du guitariste, que l’on retrouve ce style davisien avec les sonorités jazz-rock des guitaristes qui accompagnaient l’américain à cette époque : Mike Stern pour le rock et John Scofield pour le jazz. Alain Brunet connaisseur des deux musiciens nous confie après le concert qu’ils avaient d’autres points communs comme l’écriture d’un morceau qui porte le titre You’re under arrest et d’avoir été les amants de Juliette Greco la muse de Saint-Germain-des-Prés. Le trompettiste nous confesse également avoir été gêné par le vent et le froid pour cette première de ce concert. Nous sommes ravis de ce set qui met à l’honneur avec brio le répertoire de celui qui commença sa carrière comme pianiste de jazz puis explora de nombreux styles musicaux. Avec en toile de fond sonore la sonorité et l’âme de celui qui explora et créera plusieurs styles de jazz. La rencontre de ces deux artistes, qui se sont respectivement et continuellement remis en question durant leurs parcours est particulièrement judicieuse.

Briser les frontières entre les cultures et les styles musicaux. Sortir des carcans formatés, et laisser s'exprimer l'émotion pure, la communion entre les êtres, transcendée par la musique... telle est la démarche de ce quatuor, qui explore divers univers sonores, du jazz-rock à l'afrobeat, de l'electro à la fusion, en passant par des ambiances lounge, et des couleurs africaines. Un patchwork musical qui affiche "une vision résolument positive du monde et de l’humanité", "une sorte d'invitation au voyage de citoyens du monde qui sont peut-être, plus que d'autres, sensibles aux migrations de notre temps".

Textes Blog et Rock’ Roll - 18 mai 2019


De l’humanité en musique avec Akpé Motion au Pan Piper !

AKPÉ MOTION, c’est l’histoire d’une rencontre comme il en existe fréquemment chez les musiciens. Une envie de partager des couleurs, des formes, de dialoguer, de se confronter, de croiser des parcours. C’est le fruit d’errances programmées, d’errances fructueuses autour de mondes réels et imaginaires; une sorte d’invitation au voyage de citoyens du monde qui sont peut-être, plus que d’autres, sensibles aux migrations de notre temps. Le groupe nous présente ici son nouvel album « MIGRATIONS 2, un témoignage de solidarité, une tentative d’ouvrir notre imaginaire vers une vision résolument positive du monde et de l’humanité ».

Article : Clara Journo 18 mai 2019

  • Trois ans après « Migrations 1 » Akpé Motion signe la suite de cette aventure voulue comme un témoignage de solidarité et d’humanité envers tous ceux qui fuient leur pays dans l’espoir d’un monde meilleur. Thème brûlant d’actualité, qu’on adhère ou pas au fond engagé et forcément politique du sujet, parlons ici uniquement de musique, et en la matière c’est une totale réussite. Empruntant au jazz, au rock et à la world music, le groupe emmené par le trompettiste-bugliste Alain Brunet (entre mille autres vies, fondateur du festival drômois Parfum de Jazz) nous offre l’un des meilleurs disques de ce printemps qui ravira particulièrement les fans de Miles Davis période électrique. Car à la sublime trompette de Brunet s’ajoutent trois fabuleux musiciens qui contribuent à créer l’ambiance addictive de cet opus nourri de la vision singulière du percussionniste et peintre-plasticien Pascal Bouterin. Coloriste du rythme qui travaille ses peaux seulement aux balais, il est épaulé par le jeune guitariste Jean Gros, un climatiste aussi à l’aise dans le rock, le jazz, l’afro-beat et les musiques mandingues. Enfin à la basse, on trouve ici le Cubain Luis Manresa (remplacé pour la scène par le non moins prodigieux Mike Armoogum qui a fait ses classes chez Touré Kunda). Le quartet de base est rejoint par plusieurs invités, la chanteuse antillaise Cathy Renoir, les Américains Houston (rappeur), Paul Garrett (trompettiste) et le narrateur californien Prince Lawsha, qui chacun apporte sa pierre à cet édifice collectif. Dès l’intro avec Agbalépédo toute en éclats de superbes harmoniques, l’africanité est posée par la voix de Cathy Renoir. NYC Calling offre un superbe african- blues dont les ambiances electro-lounge mériteraient de figurer sur les meilleures compils de zen-music. Planant, tout comme Marmotte migrante qui suit et porté par le tricot de basse au son digne d’un Stanley Clarke. Avec Greg’s House très actuel par son esthétique electro-hip-hop, la trompette lorgne vers Truffaz et la basse vers Marcus Miller, tandis que Mer de glace revient aux racines davisiennes avec guitare et batterie qui s’inscrivent dans celles du jazz-rock. Sur Magyd, la guitare jouée avec un archet sonne comme un violoncelle et, après une intro ensorcelante, la progression rythmique très appuyée se fait crescendo avec des relents de rock progressif. Ici, la trompette rappelle plutôt Ibrahim Maalouf. Bad News (rien à voir bien sûr avec Moon Martin !...) mêle magnifiquement la voix de Houston à une trompette chantante et une guitare teintée de Lee Ritenour. Enfin Clo comme clôture de l’album revient de manière capiteuse et ténébreuse vers le fameux Tutu de Miles. A peine fini, on n’a qu’une envie : appuyer sur replay et replonger en boucle dans cet univers sonore hanté et envoûtant. Un très gros coup de cœur, à découvrir d’urgence dans les bacs dès le 15 mai prochain.

    Jazz Rhône Alpes - Chronique du 21 avril 2019

  • Vendredi soir à Jazz en Bièvre avec Akpé Motion et Alain Brunet, nous avons assisté à un magnifique concert sidérant d’émotion, d’humanité, de respect et de fraternité. La salle du Château de Montseveroux est pleine à craquer (nous avons refusé du monde). Le public a été ensorcelé, subjugué et enthousiaste. Le quartet nous a fait partager ses convictions humanitaires, les couleurs de leurs voyages, le métissage musical rencontré et métissé. Alain BRUNET à la trompette et au bugle nous transporte avec un son libre, coloré, spatial et charpenté (Miles DAVIS n’est pas loin...). Avec AKPE motion en fond sonore il nous a lu des textes évoquant l’immigration dans sa cruauté, sa supplique et l’espérance. Comment ne pas être sensible à l’interprétation du dernier morceau « migration 2 » avec les notes, le tempo, l’atmosphère, les mots d’espoir « la liberté est au bout du chemin » et la supplique « S’il vous plait » ... adressé à nous Européens. Bien sûr Alain Brunet était accompagné par AKPE MOTION : Pascal Bouterin à la batterie et percussion nous a enchanté par son énergie démonstrative, son rythme et sa cadence effrénée. Jean Gros à la guitare nous a fait frémir et voyager par son inventivité (archet sur la guitare elec.), son jeu vibrant, efficace et hypnotique. Mike Armoogum à la basse a donné du liant à cet ensemble par une tonalité bien ronde et présente. Les chorus d’anthologie des uns et des autres nous ont enthousiasmés et enflammés. Le quartet a marqué les esprits, le public leur a délivré une standing ovation mémorable et largement méritée.

    Chronique par Bernard Ducrocq de Jazz en Bièvre.

  • Désirer, n’est-ce pas le moteur, l’élan, ce qui pousse à vivre ? C’est en même temps prendre le risque d’être déçu. J’avais le désir depuis longtemps d’écouter Akpé Motion en concert. Je ne connaissais le groupe qu’à travers leur avant dernier disque. Mais déjà je sentais plusieurs points de connivence. En rapport avec l’énergie musicale et leur projet Migrations. Que des musiciens s’engagent sur ce thème, parce qu’ils ont été, où qu’ils jouent de par le monde, toujours accueillis en frères, et qu’ils attendent que l’Europe et la France agissent de même, me plaisait. Qu’ils proposent une musique que j’imagine être le prolongement de ce que ferait Miles Davis aujourd’hui s’il vivait encore, une musique hypnotique, me séduisait. Il est des désirs qui peuvent s’épuiser une fois confrontés à la réalité, à leur assouvissement. Il n’en est rien de cette musique live. J’ai été captivé d’un bout à l’autre du concert, tant le groupe a l’art de nous tenir en éveil. C’est à la fois une énergie brute et une musique kaléidoscopique, impressionniste, faite de nuances, de fins détails, de mélodies suspensives, d’échos, d’appels à la transe. Chaque artiste est généreux et se donne pleinement. J’ai aimé leur authenticité. Elle nait de ce projet commun, de toucher le public et de l’emmener dans son univers modal où résonnent les sons et les mots. Chacun verra dans cette musique ce qu’il veut. Elle n’enferme pas, au contraire, elle ravive notre imaginaire. Pour moi, elle dit l’urgence et le sensible. Accords tendus, accords ouverts. Sons sales, altérés ou limpides. Jean Gros m’a impressionné par la maitrise de son instrument et l’utilisation de ses nombreuses pédales d’effet. La musique tient sur cet équilibre, lui-même est dans une gestuelle de danseur, sans cesse il pointe avec son pied le bout de ses petites boites à sons. Magnifique morceau où la stratocaster devient sous ses doigtés un violon perse. Mélodies suspensives, envoûtantes, englobantes, traits fulgurants, notes insistantes, effets de wah wah. La trompette donne le ton et emporte le tout. Alain Brunet est dans une esthétique sobre, coloriste. Les deux mélodistes se répondent, jouent in et out avec un naturel et beaucoup de réussite. Ça fonctionne bien entre eux deux. Le bassiste, Mike Armoogum, arrivé la veille pour sa première répétition et son premier concert, ne démérite pas de sa réputation. Assise solide, notes amples et douces, solos endiablés, sens du groove, il donne la réplique au batteur, Pascal Bouterin, qui s’implique corps et âme. La façon de jouer du rythmicien évolue constamment, d’influences ethniques en groove hyper modernes, une musique puissante à la hauteur des trois comparses qu’il appuie, prolonge ou guide. Le tout s’inspire des voyages du groupe, de leurs émotions face à la beauté du monde et à l’insupportable traitement que l’occident fait subir aux migrants en recherche d’un lieu où se poser. Les mots d’Edouard Glissant s’échappent dans le flot de notes, les paroles de Chamoiseau viennent titiller notre conscience, la prose d’Alain Brunet fait mouche. La poésie et les mélodies nous ramènent à notre responsabilité. Mais la musique dit avant tout la vie, elle opère en nous tel un remède à la résignation. Elle nous porte. Elle est elle-même une terre d’accueil. Chapeau les artistes. Chapeau également à l’association jazz en Bièvre qui fait vivre ces concerts et à la mairie qui défend cette initiative artistique.

    Chronique Laurent Brun - Jazz Rhône Alpes - Décembre 2018